Elections France Galop 2023
Questions de Paris-Turf
Quelle stratégie souhaitez-vous défendre au point de vue du partage des allocations ?
Le partage des allocations est un sujet majeur, qui suscite de nombreux débats. Du point de vue des propriétaires, votre question s'entend d’une façon plus large, en parlant plutôt d’encouragements ; car, aux allocations (194M€), s’ajoutent les primes aux propriétaires de chevaux français et assimilés (51M€), les primes FEE (1,1M€) et les indemnités de transport (près de 8M€).
Mais avant d’aborder le sujet de la répartition, nous tenons à rappeler la nécessité de revaloriser les encouragements distribués. C’est le nerf de la guerre ; il s’agit de redonner confiance aux propriétaires et de tenir compte de l’inflation enregistrée ces dernières années.
Nous sommes, d’une façon générale, favorables à la préservation du partage existant dans notre système d’allocations, envié par nos voisins européens ; ceci moyennant quelques ajustements.
En particulier, le 2/3-1/3 dans le partage des allocations entre le plat et l’obstacle est une mesure économique à préserver absolument. Nous avons besoin de ces deux disciplines complémentaires pour fournir les partants, assurer la recette et garantir l’avenir du galop français. L’obstacle est une filière d’excellence ; il faut mettre en place les mesures et les ajustements de programme qui permettront son retour à un cercle vertueux (propriétaires-effectifs à l’entraînement-recette des jeux-allocations), plutôt que remettre en cause le principe du 2/3-1/3.
De même, nous souhaitons maintenir le système de primes propriétaires, qui privilégie les chevaux nés en France et assimilés.
La répartition des encouragements, comme la conception des programmes de courses, est un travail continu d’optimisation en fonction des réalités observées ; elle nécessite des évaluations régulières afin d’assurer un meilleur ciblage des encouragements.
Enfin, nous insistons sur le besoin de stabilité en matière de répartition des encouragements, pour conduire nos activités, en tant que propriétaires et propriétaires-éleveurs.
Qui dit encouragements, dit aussi financement. Le recrutement de sponsors doit être au cœur des objectifs et activités commerciales de France Galop pour compléter ses ressources et ainsi dégager des marges de manœuvres au bénéfice des allocations.
Êtes-vous pour ou contre une éventuelle privatisation du PMU ?
Privatiser le PMU ? Rappelons que le PMU est un GIE (Groupement d’Intérêt Économique), détenu par les sociétés mères France Galop et Le Trot et par une cinquantaine de sociétés de courses régionales, toutes à but non lucratif. Le terme “sociétés” est d’ailleurs trompeur, car il fait oublier le régime associatif des sociétés de courses, pourtant affirmé par la loi. Quoiqu’il en soit, le PMU est bien privé.
Rappelons également que l’institution des courses hippiques exerce son activité sous la tutelle des Ministères de l’Agriculture, du Budget et de l’Intérieur.
Si votre question est plutôt celle de l’ouverture du capital et de la transformation du PMU en Société Anonyme (S.A), rappelons-nous que le modèle économique des courses françaises nous est envié dans le monde. La France est le seul pays, en dehors du Japon, à avoir le monopole de la distribution physique des paris. Il faut garder ce dispositif qui sert l’intérêt des éleveurs et des propriétaires ; les ressources financières issues des paris financent l’élevage et les courses de chevaux.
Nous pouvons envisager des évolutions, elles sont même nécessaires, mais en conservant un principe fondateur, indispensable : le PMU doit rester sous le contrôle des sociétés de courses. C’est une force pour les courses hippiques. Ce serait un contresens absolu de s'en séparer.
Les expériences calamiteuses vécues par des pays voisins - Allemagne, Belgique, Italie – doivent nous inciter à la prudence. Elles se sont révélées destructrices pour leurs courses hippiques. Le nombre quotidien de partants sur nos hippodromes en provenance de ces pays et le nombre d’étrangers (propriétaires, éleveurs, jockeys) s’installant en France le prouvent.
Evoluer ? Certainement. Mais ce n’est pas affaire de statuts. Le seul rappel de l’effondrement du nombre de parieurs (3,2 millions en 2022 contre 6,5 millions au début des années 2000) souligne qu’il est impératif d’accélérer la vitesse de transformation du PMU (densification du réseau de points de vente, nouvelles offres, recrutement d’une clientèle plus jeune, modernisation de l’image) et de reconsidérer les rapports et les modes de fonctionnement entre le PMU et les sociétés mères.
L’activité des jeux, c’est du marketing grand public et de la technologie ; alors, ensemble, activons les bons leviers pour retrouver la croissance.
Que comptez-vous faire pour créer des vocations de propriétaires et de turfistes ?
Loisir authentique, en prise avec la nature, véritable filière économique, les courses hippiques sont tout à la fois un sport, un spectacle, un jeu.
La création de vocations de propriétaires et de turfistes passera par la mise en valeur de toutes ces dimensions et par quelques mesures-clés.
Tout d'abord démarchons de nouveaux propriétaires de façon volontariste et organisée. À l'international, redynamisons le FRBC (French Racing and Breeding Committee) ; coordonnons le pilotage de la promotion du galop français et la recherche de nouveaux propriétaires en associant tous les acteurs autour du FRBC (propriétaires, éleveurs, entraîneurs, courtiers, organisme de ventes, etc.).
Ensuite, la multipropriété (contrats d'association, écuries de groupe) constitue, par ses avantages, la porte d'accès idéale au propriétariat ; elle doit être poussée en priorité.
Une fois recrutés, fidélisons les nouveaux venus. Comment ? En faisant de chaque hippodrome un vrai lieu de rencontre et de convivialité, en valorisant les propriétaires dans la victoire, en proposant une restauration adaptée à chaque segment de clientèle, en redonnant aussi aux grandes réunions régionales leur lustre grâce à une place de choix dans le calendrier.
Quant aux turfistes, le rajeunissement de cette clientèle est un enjeu majeur. Cela sera possible à plusieurs conditions : la modernisation de l'image des courses et des paris, l'innovation dans l’offre de jeux, l'adaptation et la multiplication des circuits de distribution. Pour que la greffe prenne, nous déploierons une politique ambitieuse de formation des turfistes (aux courses et aux jeux) sur les hippodromes et via le digital. À la différence du Loto ou du grattage, les parieurs ont besoin d'un accompagnement. Transformons ainsi l’essai des Jeuxdi de ParisLongchamp pour créer sur les hippodromes des vocations de turfistes et, pourquoi pas, de propriétaires.
Enfin, le propriétaire, comme le turfiste, est très attentif à la régularité et à l'intégrité des courses. Rétablissons la confiance en mettant en place une charte des soins et traitements du cheval de courses (traçabilité vétérinaire), en optimisant le contrôle anti-dopage et en associant tous les socio-professionnels aux réflexions de France Galop sur la régularité des courses et le bien-être équin.
Y-a-t-il, selon vous, trop d'hippodromes en France ?
Parmi les pays européens, la France est celui qui compte le plus grand nombre d’hippodromes (240), c'est autant que tous les autres pays réunis ! Est-ce un atout ou un handicap ? Est-ce trop ? C'est ce que semble penser la Cour des Comptes, dont le rapport sur l’Institution des Courses publié en juin 2018, appelait à “une réflexion sur l'intérêt de maintenir des hippodromes avec un faible nombre de réunions”.
Il est indéniable que ces 240 hippodromes constituent un atout. Ils permettent en effet d'entretenir le lien irremplaçable entre les courses hippiques et la population à travers les territoires : mise en avant des chevaux et des acteurs qui les entourent, animation locale - à la fois sport et spectacle, créant du lien social et faisant naître des vocations de propriétaires, éleveurs, jockeys, turfistes et parieurs. Les hippodromes participent au rayonnement des courses hippiques.
Il est également vrai que toute fermeture d'hippodrome, c'est une vitrine qui disparaît, une perte d'exposition. Toute fermeture érode le lien entre les courses hippiques et la population.
A l'avenir, il faut que les hippodromes puissent maintenir un niveau de sécurité qui va de pair avec l'organisation des courses. De même, il y a tout un travail à faire pour assurer le renouvellement des bénévoles (6.000 en tout en France), sur qui reposent en grande partie l'équilibre financier, fragile, de nombreuses sociétés de courses. Et puis, de plus en plus, il faudra traiter les difficultés d'accès à l'eau et les besoins d'adaptation au changement climatique.
Sur tous ces sujets, la Fédération Nationale des Courses Hippiques (FNCH) réalise déjà un très gros travail, en association avec les Fédérations Régionales.
France Galop doit se préoccuper de l'aspect coûts de l'ensemble de l'organisation des courses de galop. Chaque hippodrome, pour garantir son avenir, devra ajuster son positionnement et son modèle économique, afin de concilier les niveaux d'exigence accrus de la part des professionnels avec les moyens limités des sociétés de courses.
Que doit faire, selon vous, l'institution pour tenter d'améliorer la lutte anti-dopage ?
La lutte anti-dopage est essentielle pour préserver la confiance des propriétaires et des parieurs ; elle est un défi permanent. C'est une activité complexe, réclamant une vigilance et une capacité d'adaptation constantes face aux nouvelles formes de tricherie et de dopage. Elle nécessite donc des moyens suffisants.
Elle représente un budget très important de près de 12 millions d'euros - un tiers pour les prélèvements, 60 % pour les analyses et le reste pour la recherche et le développement. Ce sont donc 28.000 prélèvements réalisés, à comparer aux 10 000 effectués par l'ensemble des 84 fédérations sportives pour le dopage chez les êtres humains…
Ce qui est essentiel pour l'avenir, c'est que le laboratoire ait les moyens d'être à la pointe de la connaissance en matière de dopage et d'acquérir les derniers matériels innovants, tout en s'appuyant sur la coopération internationale avec les autorités hippiques pour être meilleur que ceux qui dopent.
Il faut multiplier les contrôles à tout moment pour dissuader la triche, accroître le nombre de contrôles avant course, varier les heures et les modalités de prélèvement (sang, urines, crins).
C'est plus important que de s'interroger sur l'indépendance et le positionnement du laboratoire, et d'ailleurs - le voudrait-on - quel laboratoire existant pourrait répondre à la demande ? Il n'y a pas d’infrastructures équivalentes en Europe. Sans parler des aspects financiers d'une solution d’externalisation…
Ce qui doit prévaloir, enfin, c'est la transparence dans la politique de contrôle antidopage et le renforcement des sanctions (prononcées par les sociétés mères) afin que celles-ci soient suffisamment dissuasives, à l'image de ce qui se pratique à l’étranger.”
Comment percevez-vous l'arrivée de la Française des Jeux dans le monde des paris hippiques sur internet ?
Il est bien loin le temps où la Française des Jeux était synonyme de jeux de hasard et le PMU de paris hippiques.
Nous devons être très vigilants, parce que, en Europe, chaque fois que les courses ont passé des accords avec des Loteries, l’expérience s’est mal terminée : regardez l’état des courses en Espagne…
L’arrivée de la Française des Jeux dans le monde des paris hippiques sur internet, par l’acquisition de Zeturf, représente un très grand danger.
Nous ne comprenons pas ceux qui soutiennent cette situation et nous percevons l’arrivée de la Française des Jeux dans le monde des paris hippiques sur internet, avec un sentiment de trahison et de colère. Car, la courte échelle faite à Zeturf par les dirigeants de l’Obstacle, puis du Trot, est une faute. Comment avons-nous pu en arriver là ? Début 2019, cette société devenait partenaire de notre Grand Steeple-Chase de Paris, et en 2020 de la nouvelle marque au trot, rebaptisée PRIX D’AMERIQUE RACES ZEturf et incluant les courses préparatoires. Pour quelles raisons et quels objectifs ? Quels messages les dirigeants de l’Obstacle et du Trot ont-ils voulu faire passer ? Imagine-t-on un groupe leader sur son marché aller chercher un challenger sans qualité démontrée comme sponsor pour sa grande journée commerciale ?
Il ne s’agit pas de remettre en cause l’ouverture à la concurrence des jeux en ligne, mais il n’en demeure pas moins incompréhensible que l’on ait pu, à travers de telles opérations, privilégier un concurrent du PMU. Cela ne peut que l’affaiblir, ce dont notre filière n’a pas besoin. Rappelons-nous surtout que le PMU redistribue l'ensemble de ses bénéfices à la filière des courses hippiques alors que Zeturf ne reverse seulement que la taxe affectée… Tout est dit.